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lundi, décembre 07, 2015

Monter un meuble, ou l'art d'haïr l'humanité !


L'été avait été stressant, inutile de le cacher.

Des procédures longues ne m'avaient toujours pas permis d'être certain sur mon avenir légal au Canada, j'étais dans le fameux statut implicite, sorte de schrodinger du visa, où l'on autorisé à être sur le pays jusqu'à ce que l'on vous indique que vous n'étiez en fait pas sensé rester.

Une longue série de soirée à s'endormir en se demandant si le lendemain on allait devoir décider de notre départ quelque part ailleurs et dire au revoir aux nombreux amis que l'on s'était fait, aux nombreux lieux que l'on avait découvert, aux nombreuses conq... bon sur ce point au moins pas de regret, mais tout de même, une seule année n'est pas suffisante pour découvrir un pays.

Je ne m'empêchais pas pour autant de vivre, bien au contraire, partant même les fins de semaines tester de nouvelles aventures, comme descendre des rapides en canoë camping ou bien survivre à 24 heures de roller continues. Ces moments d'évasion me provoquaient un sentiment de liberté extrême, même si j'ignore encore si c'était l'exploit sportif en tant que tel, ou juste le fait que j'avais enfin une excellent occasion pour ne pas avoir à me laver pendant 48 heures.

Et soudain, le mail tant attendu arrive: pleurs, vomissements, hurlements, tremblements, mon monde entier s'écroulait. C'était terrible. Bon, dans les faits j'aurais pu m'épargner cet instant pénible si j'avais pris la peine d'ouvrir le mail avant de réagir ainsi, parce que j'avais bien obtenu mon visa.

La vie montréalaise pouvait donc continuer, mais il fallait que je procède à quelques changements, et non des moindres, puisque j'étais sans logement fixe, l'incertitude de l'avenir ayant légèrement impacté mon souhait de me réengager sur un bail.

Parfait, j'allais pourvoir profiter de l'occasion pour me prendre un appartement à moi tout seul, spacieux, bien situé, et dans mon budget !

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Bon, je vais chercher un colloc alors.

Coup de chance, un de mes collègues avec qui je m'entendais bien devait lui aussi trouver un nouvel appart.

"Hey, ça te dit que l'on se mette en collocation toi et moi ?"
"Ouais, pas de soucis, par contre je te préviens, j'ai un chat qui vient avec moi, non négociable."
"Lol, même pas peur, aucun soucis pour moi."

(Note pour plus tard : avoir peur !)

"Autre truc, j'ai déjà mes meubles, donc faut se chercher un appart non meublé."
"Ouais pas de soucis."

Après moult recherches (en fait pas beaucoup, mais ça sonne mieux) nous dénichions enfin la perle rare : grand, moderne, bien situé.

Signature du bail, déménagement un lendemain de cuite (parce que l'on ne va pas commencer à agir intelligemment non plus), je finis d'entreposer toutes mes affaires dans ma chambre et réalise d'un coup quelque-chose...

"Hé mais il n'y a aucun meuble dans ma chambre !"
"Bein oui, c'est un appart non meublé, tu te souviens ?"
"Hein ? C'est ça que ça voulait dire ? Vous faites chier avec vos termes techniques peu explicites locaux, pouvez pas utiliser des termes français utilisés partout ?"
"Heu... Mais quand on a visité l'appart, tu n'as pas réalisé qu'il était vide ?"
"Mec putain, si tu crois que je vais faire attention à tous les détails, tu voulais pas que je vérifie la douche aussi tant que j'y étais ?"

Et deux semaines à me doucher à l'eau brûlante plus tard, je me suis dit qu'en fait vérifier la douche aurait été effectivement une bonne idée.

Bon, heureusement nous avions amené un fauteuil et un grand et large canapé, qui pouvait largement tenir mes presque un mètre quatre-vingt cinq. 

"Fais attention par contre, le chat aime dormir dans le salon et particulièrement dans le canapé."
"Oui bon, c'est pas une petite boule de poils qui va décider d'où je dors ou pas !"

Dès la deuxième nuit à dormir en boule dans le fauteuil, je compris qu'il me fallait absolument investir dans un lit.

Le jeudi soir, un ami m'emmène gracieusement chez un marchand de meubles nordique équipant la quasi totalité des pays modernes, et j'en profite pour acheter lit, matelas et couette, ayant déjà chez moi la housse de couette et les draps de lits, que j'avais gardés de mon précédent appartement. Ce sont d'ailleurs ceux-ci qui ont motivé la taille du lit, s'agissant de draps de taille lit double.

Mon ami me dépose chez moi, mon colloc est de sorti, parfait, je serai tranquille pour assembler mon lit. D'ailleurs je ne vois pas pour quelle raison j'aurais besoin de plus d'une personne pour monter un meuble. (NDLR: Peut-être parce que c'est crissement plus compliqué ostie de cave !)

La notice avait eu la bonté de ne pas m'indiquer le temps estimé par opération, mais après une heure d'efforts, je me doutais que la tête de lit aurait du être montée depuis longtemps. Haletant et perlant de sueur, je me j'observe cette première victoire. étape une sur sept accomplie, je peux procéder à la base du lit. Mais il me faut de la place. Je place la partie montée verticalement, miracle, elle tient debout toute seule, pas besoin de la mettre ailleurs.

Je commence à visser les planches ensemble, assis sur le plancher, quand tout d'un coup, j'entends comme un bruit suspect dans mon dos. Je vois d'un côté un tête de lit chancelante et prête à me tomber dessus, de l'autre une créature à fourrure qui part très vite, ayant compris qu'elle venait de se frotter à quelque-chose qu'elle n'aurait pas dû. La pièce en bois se décide finalement à tomber du mauvais côté, à savoir en ma direction. trop peu de temps pour analyser la situation, je décide de stopper la chute avec la première chose qui me passe par l'esprit : mon pouce !

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Et ça les enfants, c'est la raison pour laquelle vous devez toujours songer à investir des points en INT et DEX lorsque vous créez un nouveau personnage. (l'instant geek vous était présenté jouet club)
FIN DE LA PUB

Rien de cassé heureusement, juste une douleur un peu forte et la honte causée par ce qui était sans le moindre doute la blessure la plus idiote de la soirée. (Note de ceux qui connaissent déjà l'histoire : AH AH).

Un coup de glaçon sur le pouce, et je repars à l'attaque, étape trois en cours, puis quatre et enfin cinq, ma base de lit ressemble enfin à quelque-chose, les contours de la structure sont là, me reste à mettre la partie qui supportera le matelas, la base métallique et les lattes.

La base métallique, vous la connaissez tous si vous avez un lit avec cette marque, c'est celle qui se trouve en plein milieu et équipe tous les modèles depuis des années, faite pour s'adapter à tous leurs lits, facile. Elle vient en version réduite et il suffit de la faire coulisser à la bonne taille, rien de plus simple. J’attrape l’extrémité et tire un grand coup dessus pour l'agrandir.

D'instinct, je sens que quelque-chose ne s'est pas passé comme prévu. Je regarde ma main : horreur, mon petit doigt est scalpé et commence à pisser le sang sur le sol de la pièce. Au moins sept litres de sang s'échappent avant que je ne puisse me rendre à la salle de bain mettre un bandage. (C'est une estimation bien entendu, je n'ai pas non plus pris le temps de vérifier avec des verres mesureurs).

J'arrête tant bien que mal l'écoulement d'hémoglobine avec un astucieux mélange de bandage, d'agrafes et de fer à souder, bien que d'après le chirurgien ce dernier soit potentiellement à l'origine de ma gangrène.

Je parviens à reprendre le contrôle de moi-même, bien qu'encore submergé par une immense colère intérieure. Cette pièce est dangereuse à manipuler, et c'est extrêmement imprudent, que dis-je, inconscient voir même malhonnête de la part du fabricant de ne mettre en garde, à aucun moment, le client que je suis de l'importance d'être précautionneux dans la manipulation de cette pièce !

Alors certes, en leur défense, ils avaient bien pour le coup mis un avertissement dans la notice, pour prévenir du danger. Mais bon, si on se met à lire à l'avance les instructions pour des opérations aussi évidentes, où va le monde ?

Je partage d'ailleurs avec vous la fameuse section de la notice, redécorée pour le coup avec le résultat de ma petite erreur de manipulation.

Mais je n'allais pas me laisser abattre pour autant. Je dormirai sur mon lit ce soir là, c'était sûr et certain !

Je pose la barre métallique de fucking of puta madre de putain di merda sur la base de lit (Oui, l'avantage de parler plein de langues c'est ça permet de varier un peu les insultes) et passe à la dernière étape, les lattes.

Je les sépare, prend la première rangée et la pose sur le lit...

Et elle tombe à terre.

Je la reprend, et la repose, parce que oui, j'aime bien nier l'évidence, et là...

Elle tombe à nouveau à terre.

Je ne comprends pas. Je reprends les lattes, regarde l'étiquette, la relis plusieurs fois, c'est bien des lattes de lit double, pourquoi est-ce qu'elles ne tiennent pas sur ce foutu lit dou...

Un doute me saisi, prendre la boite du lit et réalise que j'avais par erreur pris une base de lit de taille Queen...

Deux options s'offraient à moi, démonter le lit et le faire changer par un lit double, ou bien accepter ma défaite et aller échanger lattes, matelas et racheter du linge de lit à cette nouvelle taille.

Ce deuxième choix fut celui du lendemain. Avec ma main atrophiée  je pus enfin compléter le lit, poser le nouveau matelas et installer drap et couverture.

Enfin j'allais dormir dans un vrai lit ! Cette pensée illumina mon visage pendant que je me brossais les dents, j'en avais bavé mais enfin la vie commençait aller s'annoncer douce.

Je rentre alors dans ma chambre et découvre que le lit est déjà squatté.

La couverture enroulé en boule et les coussins posés contre sa tête, le chat est là, posé confortablement en plein milieu. Il lève les yeux vers moi et me sors :

"Bein quoi ? Tu ne voulais pas dormir dans le canapé ?"

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