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dimanche, juin 17, 2012

A la recherche du meuble parfait chez les nordiques


Le temps, cette notion insaisissable qui ne se réalise qu'après coup.

Alors que j'essayais de méditer sur cette phrase belle comme du Marc Lévy, tranquillement avachi sur mon canapé en attendant que mon jeu vidéo se charge, je vis ma copine s'avancer lentement, regarder autour d'elle, retourner dans la chambre, revenir, refaire une inspection à 360° digne d'un Terminator en dernière année d'apprentissage et finalement s'interposer entre moi et la télé.

Mon sixième sens, en alerte, me prévint tout de suite : "Attention, elle va te casser les couilles !"

Oui, à défaut des gestes qui feraient plaisir ou des tâches ménagères dont il aurait fallut s'occuper, c'est au moins quelque-chose que nous les mâles détectons en général assez bien.

Hélas, pas le temps de se mettre sur la défensive, la voici m'attaquant immédiatement :
"Il nous faut des meubles !"

"Mais non mon petit sac de croquettes saveur miel et amandes, pas besoin regarde, mon gros cul est posé sur un canapé et si je ne me trompe pas, derrière toi se trouve un meuble qui est parfait pour poser la console et la télé. Pousse-toi pour voir ?"

Hélas, la ruse trop évidente ne parût pas fonctionner.

"Non, il nous faut absolument des nouveaux meubles. Dans l'entrée il nous faut absolument de quoi poser nos affaires, sans oublier pour les chaussures et puis on manque de chaises. Sans oublier aussi bla bla bla bla bla...".

Oui, à ce niveau là j'avais déjà décroché en sachant que je ne pourrais en aucun cas lutter et que étant donné que tous les marchands de meubles avaient fermé depuis l'arrivée d'une grosse enseigne mondialisée, il ne nous restait comme seule solution que d'aller chez celle-ci.

Dommage pourtant, comme je regrettais faire les vitrines et m'esclaffer devant les fauteuils à 8000 euros et les canapés à 15000.

"bon, pour te motiver je te paye le déjeuner dans la cafet."

Diantre, que je déteste que l'on connaisse si bien mes points faibles...

Le temps de me faire cette réflexion, je réalise que j'étais déjà dans le bus, en direction de ce merveilleux monde magique qu'est Ikea.

Oui, Ikea n'est jamais en centre-ville ou autre point facile d'accès, il faut toujours trouver un moyen de locomotion à roues pour s'y rendre.

Toutefois surprise agréable, le trajet de bus a été enfin modifié pour ne plus passer par la cité en ruine dans le quartier le plus miteux de la capitale Irlandaise. Je sais, vous pensez que j'exagère et pourtant non, mon dernier passage prêt de ce bâtiment en ruine et habité (oui, les deux à la fois pourquoi ?) avait provoqué un sentiment entre la peur de me faire agresser et le désir d'en finir avec ma vie, comme un concentré de mauvais karma délicatement posé dans ce coin reculé de misère.

C'est dire si les petits pavillons mitoyens et clonés les uns aux autres me paraissaient d'une affolante gaieté ce jour là.

Arrivés à destination, course à la première étape de notre périple : la cafet.

Originale idée comme me le confirme la queue de 700 personnes devant moi, mais hors de question de partir dans les rayons, le coup classique étant de se perdre ensuite dans les rayons et de ne plus avoir envie de manger mais seulement de rentrer sain et sauf.

Mon mal en patience et dix-sept heures plus tard (neuf minutes et trente-deux secondes soi-disant d'après ma montre, mais vu qu'elle n'était pas soumise aux trois gamins hurleurs et agités qui étaient devant moi, je mets en doute la fiabilité de cette donnée), me voici enfin au comptoir tant attendu.

"Bonjour monsieur, combien de boulettes de viande souhaitez-vous ? Dix, Quinze ou Vingt ?"
"Deux cents"
"Je suis désolé, je crois que vous ne m'avez pas compris, vous pouvez choisir entre dix, quinze et..."
"J'ai dis deux cents !"
"Mais enfin monsieur, on ne peux pas..."
"DEUX CEEEEEEEEENTS!" éructais-je en émettant également trois litres de salive.

Silence pesant de quelques secondes jusqu'à ce que faisant enfin preuve de bonne volonté la personne se décide enfin à me servir d'une magnifique assiette de cinq kilos.

La bouche remplie de viande, sauce et confiture de je ne sais quelles délicieuses baies, j'écoutais apaisé ma copine énumérer tous les objets repérés dans le catalogue récupéré à l'entrée.

La liste est longue et je comprend donc que cela ne sers à rien de rester trop longtemps. Le temps de jeter les 180 boulettes restantes de mon assiette (finalement vingt auraient été largement suffisantes pour me substanter) me voici d'attaque pour ce qui allait me pourrir le restant de l'après-midi.

Bon, chez Ikea c'est simple, il y a un chemin. Un seul oui, c'est tout.

Alors je sais, de soi disant raccourcis existent, nous y reviendront plus tard, mais quel intérêt comme le dit ma compagne, on risquerait de louper des affaires.

Après une première heure passée à s'assoir dans tous les canapés et s'allonger dans tout les lits, opération des plus inutiles vu que l'on a déjà un lit et deux canapés, nous voici enfin dans une section plus à même de m'intéresser, la section cuisine.

Voir tous ces accessoires et imaginer les milliers de recettes possibles réveillèrent en moins un soudain appétit, n'ayant en effet pas mangé depuis au moins une heure.

Me rappelant la présence d'un snack à la sortie, j'ai donc tenté de presser ma copine qui évidement redoublait de résistance et insistant d'un sombre "Mais attend, je n'ai pas tout vu encore" me faisant comprendre que cela ne servait à rien de se presser.

J'ai donc passé le restant du premier étage à marcher lentement sur cette large allée à la recherche d'un petit c.. pardon d'un objet utile sur lequel poser mon regard.

En fait le plus problématique est de faire attention devant soi. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il faut toujours qu'il y ai une personne qui fait le chemin en sens inverse. A intervalle régulier vous serez toujours confronté à un connard en contre-sens qui s'estime dans son droit le plus parfait de de vous faire dévier de votre chemin, tel un obstacle minable d'un jeu vidéo des années 90, tout en ayant l'air pressé et bien entendu agacé si jamais vous prenez trop de temps pour vous écarter.

"Cher journal, le temps est pour moi une notion abstraite maintenant, j'ignore si je suis ici depuis des mois voir même des années. A la personne qui lira les lignes suivantes, je la prie de délivrer ce message à ma famille, lui dire qu'elle..."


"Qu'est-ce que tu fais ?" me demande soudain ma copine, m'interrompant à moitié de mon rêve à yeux ouverts sur un tabouret pour enfant à demi avachi sur un bureau avec 18 tiroirs à ressort.

"Rien rien, j'essayais d'écrire le nom du meuble sans regarder pour voir si j'avais bonne mémoire."

(note pour plus tard, ne pas dessiner de gros phallus sur un papier rend toujours ce genre de mensonge plus crédible)

"J'ai vu des accessoires de rangement pour la cuisine dans le catalogue mais je ne les trouve pas ?"

"Bah ce n'est pas grave, ils sont surement dans le coin cuisine de l'étage à merdier, au rez de chaussée." lui dis-je.

"Oui sans doute..."

Je l'ignorais encore, mais j'allais regretter cette affirmation plus tard...

Passés les rayons salle de bain, bureau et rangements, dernière ligne droit en passant par le rayon enfants. Là hurlements, pleurs, roulage par terre, menace de quitter la maison, mais rien à faire, je comprends que l'on achètera pas la peluche brocoli et que donc ça ne sert à rien d'insister.

Arrive alors cette étape plus effrayante qu'une douane d'aéroport : les escaliers !

Car passer les escaliers signifie une seule chose, que l'on arrive au terrible rez-de-chaussée, le temple des accessoires qui se jettent dans votre sac jaune tous seuls, de la bricole à bas prix qui ne sert à rien, mais on ne sait jamais donc que vous devez prendre, bref, l'enfer absolu du porte monnaie.

Comble du cynisme, des chariots sont disponibles pour vous aider à transporter encore plus de babioles, ce qui tombait bien, ayant oublié mon bras bionique à l'appartement.

Première section, cuisine ! Au moins on pourra prendre les accessoires de rangement pour apaiser ma douce. Double voir triple traversée de chaque rayon, avec à chaque fois de nouveaux achats qui tombent pile dans le sac de courses.

Je décide d'interrompre cet massacre de carte bancaire au plus vite.

"C'est pas grave mon poussin sauce béchamel, ça doit se trouver plus loin, avec les cartons de meubles, sinon on l'aurait déjà vu ton bidule !"

C'est beau un homme qui ment tout en sachant qu'il va délibérément à sa perte.

Coussins, luminaires, salle de bain, déco et même plantes d'intérieur, les sections s'enchainent et mon chariot avance de plus en plus lentement, alourdi par le poids incrémental qui accompagne chaque avancée vers la sortie.

Arrive enfin la section meubles sous carton, les fameux oeufs kinder géant où la moindre lettre erronée lors de la prise de note à l'étage du dessous peut transformer une ravissante table basse en placard à balais. Mais ça, c'est la surprise une fois rentrés.

"Bon, je ne vois pas les rangements pour la cuisine, où sont-ils ?"

"On les a peut-être loupés, tant pis, on a déjà assez de babioles, on peut rentrer, non ?"

Ce sera non en effet, je le savais pertinemment et il faut absolument que quelqu'un retourne chercher ces foutus rangements pour cuisine.

Sachant que la faute est partagée, c'est donc forcement de ma faute, donc c'est à moi d'aller les rechercher.

Un coup d'oeil sur le plan interactif, un autre sur la carte au mur, je repère les raccourcis et je me lance.

Plantes, déco, j'arrive aux luminaires...

Hum, n'aurais-je pas du passer un raccourci déjà ?

Tant pis, je continue prenant les petites allées pour éviter l'allée principale et son flot ininterrompu d'acheteurs. L'inconvénient est que cela prend plus de temps.

Péniblement j'arrive enfin à la section salle de bain. Un doute surgit, ne devrais-je pas voir un raccourci quelque part ?

Impossible à trouver, je passe à tâtons tous les murs, rien ne semble pouvoir me laisser passer à travers, à mois de courir très fort dedans, mais le magasin est fait de telle sorte que je ne pourrais jamais prendre assez d'élan. Ni de cerf ou de renne d'ailleurs.

(la direction d'Ikea a tenu à préciser les lecteurs de Son Altesse Satanissime que contrairement aux propos tenus dans le jeu de mot foireux de l'auteur, il est tout à fait possible de se procurer du renne sous forme de pâté, saucisse et confiserie à la boutique alimentaire du magasin)

J'escalade à présent un mur de coussin pour tenter d'avancer plus vite. Je tente un grand saut et me ramasse péniblement dans une pile d'assiettes et verres colorés. C'est bon signe, je suis arrivé à la section cuisine, mais celle du rez de chaussée, or il me faut atteindre celle du premier étage.

zig zag dans les escaliers pour éviter les gamins, arrivé à l'étage, je dois courir le plus vite possible à la section cuisine.

Certes ce serait beaucoup plus simple je pouvais trouver CE PUTAIN DE RACCOURCI !

Oups, je m'aperçois que je viens de crier au lieu de penser, ce qui évidement a effrayé 17 gamins qui en une formidable réaction en chaîne se mettent tous à pleurer. Je pars au plus vite sous une pluie de projectiles. Heureusement nous étions toujours dans la section jouets pour enfant et les peluches qui m'atteignent ne me font aucun mal. La lampe de chevet qui m'atteint à la tête en revanche est beaucoup plus douloureuse.

Sonné, je déambule dans l'allée principale, à coups de "pardon", "désolé", "poussez-vous madame", "Bonjour, mademoiselle, vous êtes seule ?" et autre formules de politesse.

Soudain la terrible révélation... Tous ces gens dans leur bon droit chemin et moi en sens inverse qui les gêne... Horreur et damnation... Je suis le connard en sens inverse.

L'impression de me prendre un coup sur la tête suit cette découverte. Sans doute aidé par le fait que des parents qui m'avaient suivi m'aient balancé un tabouret en bois massif sur le crâne.

Je m'effondre, pleurant, et reste recroquevillé et sanglotant dans mon sang dans le creux d'un bureau imitation chêne. comble de l'horreur, aucune jeunette en mini-jupe ne viens s'asseoir pour essayer le bureau. Ma vie est foutue, je suis devenu cet empêcheur d'avancer tranquillement dans une allée Ikea, l'être le plus détestable au monde après un conducteur de bus irlandais et un chauffeur de taxi parisien.

Un texto "Tu es où bordel ???" me ramène à la réalité. Non, j'ai une mission à accomplir, je dois me reprendre. Et surtout quelqu'un m'attend, quelqu'un que je ne peux décevoir, que le destin exige de me voir en face. Oui je parle bien du vendeur du snack à la sortie, pourquoi ?

Je me relève péniblement et continue mon chemin jusqu'à la section cuisine. Une recherche laborieuse me permet de comprendre l'erreur du début. Les rangements pour la cuisine étaient injustement cachés, enfin, ils étaient de l'autre côté du rayon, ce qui revient au même.

Combien en fallait-il déjà ? Misère, j'ai oublié le nombre magique, est-ce deux ou quatre ? Dans le doute j'en embarque 17, chiffre rond et divisible par excellence. A priori c'est donc la section mathématique de mon cerveau que le tabouret avait atteint précédement.

Tel un zombi surchargé, je reprend pour la deuxième fois le chemin dans le sens exigé. tachant de ne pas me faire remarquer malgré le sang qui coule de mes oreilles.

Après quelques minutes, oh miracle, un raccourci s'offre enfin à ma vue ! Ni une ni deux, mais trois secondes plus tard, me voilà passant ce portail magique pour me retrouver.... à la section cuisine à nouveau...

Le temps de me retourner, le raccourci avait disparu. Je remarche pour la troisième fois cette allée, suivant mes propres traces de sang et les complétant par des larmes.

Escaliers, babioles, cartons. Je m'écroule devant ma copine allongée sur un fauteuil jardin qui m'accueille d'un "c'est pas trop tôt" et s'empresse d'emmener les affaires à la caisse.

Je m'entends à peine marmonner à la caisse lorsque l'on me demande si je désire un crédit sur cinq, dix ou trente ans pour payer mes achats.

Je tente un sursaut d'énergie pour arriver au snack, hélas fermé depuis dix bonnes secondes et seul un rire sadique des clients se goinfrant de hot dogs masque mes gémissements.

Penaud, je ne paye aucune attention au retour du bus. Seuls les craquements de mes os parviendront à me distraire lorsque je ramènerai les affaires de l'arrêt à l'appartement.

Arrivé enfin chez moi, tremblant, je pose les trois sacs bleus par terre, ne sachant lequel ouvrir en premier.

Ma copine déjà allongée sur le canapé, se repose brièvement en feuilletant le catalogue Ikea amoureusement ramené dans son sac à main.

Soudain elle se jette sur moi en me le collant sous le nez :

"Bon sans, c'est ça qu'il nous fallait pour l'entrée ! Il faut qu'on y retourne demain !"

Mes yeux se posent sur un long meuble blanc qui provoque effroi et tremblements dans tout mon corps.

"Hors de question, je n'irais pas demain !"

"Mais, pour l'entrée..."

"J'ai dit non !"

Longue engueulade, que le sommeil parvient heureusement à conclure. Nuit agitée, de sombres cauchemars où des monstres mi hommes mi placards m'attaquent et m'attachent à un porte manteaux pour me flageller à coups de housses de matelas. Hélas, c'était du nylon et j'y suis allergique, raison pour laquelle ce rêve était des plus déplaisants.

Un bruit de porte me réveille. Il est 10 heures du matin et ma compagne est déjà partie acheter ce foutu meuble.

Quelques  heures plus tard je la vois rentrer, deux sacs bleus sous les bras, mais sans meuble.

"C'était trop lourd pour moi, je n'y arrive pas toute seule. Il faut que l'on y retourne la semaine prochaine !"

Bon sang... je crois bien que je n'y échapperais pas...

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1 Comments:

Anonymous Alessandro said...

je dois encore le lire jusque la fine, mais maintenant que je ne utilise plus google translator, ça prend du temps. Pour l'istant, je peux surement te dire que chachun a son "petit sac de croquettes saveur miel et amandes". C'esta la vie ;)

5:21 PM  

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