Add this site to your start page

dimanche, novembre 18, 2012

Engagez-vous qu'ils disaient

"4 !"

"Bon sang, je ne vais pas y arriver !"

"3 !"

"Aller un effort, on y est presque !"

"2 !"

"C'est trop dur !"
"Tiens bon on y est, c'est la dernière là"

"1 !"

"On l'a fait, on a réussi, on a tenu bon jusqu'au..."

"Aller on enchaine, vous me refaites 8 pompes de plus !"

"Ah nooooon"

"LA FERME BANDE DE LOPETTE OU JE VOUS TABASSE ENCORE AVEC LES BALLES DE 5 KILOS ! Allez, 8 !"


Ca, c'était ma réalité, deux fois par semaine, depuis quelques mois.

C'est l'un des avantages de travailler dans une grosse boite américaine qui souhaite prendre soin le plus possible des ses employés, c'est d'avoir accès à de nombreux bénéfices en permanence.

Le problème, c'est que parmi ces avantages se trouvent de nombreuses sucreries et autres douceurs caloriques qui par un mécanisme encore non expliqué se retrouvent tout d'un coup dans les mains des personnes passant à côté des étagères. Ne sachant que faire, l'employé a alors le choix entre être avisé et reposer délicatement la barre chocolatée dans son panier ou bien la garder dans sa main et l'amener avec soi au bureau. Hélas, le temps de prendre une sage décision, la sucrerie est déjà ingurgitée, seuls un paquet vide et quelques traces aux bord des babines  témoignent encore de l'existence de la gourmandise dans notre triste monde.

N'étant bien entendu pas le seul employé dans ce cas et après 3 décès de diabétiques, la direction a donc du prendre des mesures adéquates.

C'est ainsi qu'un beau jour de printemps irlandais (il n'avais plus que trois heures d'affilé ce jour là), le comité Santé et Bien-être eu le plaisir de réunir l'ensemble des employés (du moins ceux qui arrivaient encore à se lever de leur chaise). S'en suivi un petit film d'animation montrant les risques cardio-vasculaires lié au manque d'exercice et l'importante d'une alimentation saine et équilibrée.

Le film était ensuite suivi d'un série de témoignages auxquels hélas je n'ai pas tout compris,  gêné par le bruit des gens mastiquant leurs chips au vinaigre puisés dans la cuisinette avant de se ramener à la réunion.

Fin de la séquence projetée, les lumières qui se rallument, de nombreuses paupières qui se rouvrent.

"Vous l'avez compris, notre société fera tout pour empêcher que cela ne vous arrive. Nous avons donc décidé de financer des classes de gymnastique, deux fois par semaine !"

Déclaration exaltante, accueillie par un tonnerre d'applaudissements, vite recouverts eux même par une détonation provoquée par des feux d'artifices de 15 minutes, dont le budget repoussera tout projet de crèche sur au moins deux ans et qui ont malheureusement provoqué le décès de deux personnes supplémentaires brûlées par des fusées mal réglées.

Une semaine plus tard, l'exaltation était toujours présente pour le premier cour qui devait avoir lieu le soir. Mais bizarrement je n'étais pas motivé. Non, au fond de moi résonnait cette petite voix qui me disait "Mais enfin, t'es un branleur, tu te vois vraiment faire de l'exercice toi ?"

Elle n'avait pas tort cette petite voix.

Mais y aller aurait l'avantage d'enfin réaliser une des résolutions de bonne année, me donnait l'avantage de ne pas représenter la même feuille pour la cinquième année consécutive.

Mes collègues commençaient à se préparer, mais je n'arrivais toujours pas à me décider, l'appel de la console assis sur la canap étant très très fort.

"Tu ne viens pas ?" me demande mon voisin.

"Bof, pas sûr, je ne sais pas si ça vaut le coup."

"C'est gratuit, c'est juste après le taff et c'est juste à l'étage du dessus, tu abuses, il te faut quoi de plus ?"

"Je ne sais pas, mais je ne vois pas trop ce qui me motiverait là."

"Ouais bein mon vieux je ne peux rien pour toi. Bon, je te laisse, je vais rejoindre les blondinettes nordiques du 4° qui y sont déjà mais je passe chercher la turque du 2° avant parce qu'il faut que..."

Tente deux secondes plus tard j'étais au dernier étage, en tenue de sport, en train de m'échauffer.

Arrive le prof de sport qui nous explique que c'est une grande première pour lui, d'entrainer des gens qui sont dans notre état physique déplorable et que du coup il va y aller mollo pour l première session.

J'ignore ce qui s'est passé durant cette première session, je sais juste que j'ai été réveillé par la femme de ménage qui m'a retrouvé allongé dans l'incapacité de bouger avec sept autres personnes dans mon cas. Que cette femme et sa patience soit louée pour avoir pris le temps de nous trainer jusqu'à l'ascenseur et nous jeter ensuite dans le premier taxi qui passait à proximité.

Le lendemain matin fût une expérience inhabituelle. Je répétais les même gestes qu'habituellement, mais ceux-ci étaient beaucoup plus lents et surtout, extrêmement douloureux.

C'est d'ailleurs dans ce genre de situation que l'on se rend compte de grandes injustices, comme la hauteur à laquelle sont placés les boutons d'ascenseur, la force nécessaire pour ouvrir une porte ou bien encore l'absurdité que relève le badge, ce fameux sésame qu'il vous faut porter à hauteur de poitrine pour ouvrir l'accès à votre département.

Évidemment impossible de s'en plaindre sous peine de s'entendre dire :
"Ça ira mieux après la deuxième session, c'est normal au début quand on ne fait pas d'exercice on ressent quelques légères courbatures".

Courbatures auxquelles ce collègue doit sa vie sauve, car si j'en avais eu les capacités je l'aurais sans doute étranglé. Hélas là encore, le cou était situé hors de portée...

Malgré ce premier épisode fort peu glorieux et pour des raisons que j'ignore encore (masochisme diront certains, voyeurisme diront certaines), la tentation a été grande et à ma grande surprise je me suis rendu à la deuxième session.

Et là miracle, toutes mes douleurs avaient disparu !

Le lendemain matin, rebelote, impossible de bouger.

Et bizarrement, à chaque session je me suis représenté, avide de découvrir de nouveaux muscles dont j'ignorais la présence jusqu'ici, grâce à ces douleurs musculaires déclenchées dans mes bras, mes jambes et même, oh sacré Graal de l'apparence, dans mes abdominaux ! Qui hélas demeurent planqués sous une épaisse couche de graisse, mais de savoir leur présence m'a ému et m'a même fait pleurer de joie, la première fois.

Et j'en suis même arrivé après quelques semaines à noter une amélioration de mon apparence, un affinement, certes léger mais notable à mes yeux, lorsque je me regarde nu dans le miroir pendant de longues minutes. Enfin, j'ai du arrêter depuis, car les autres collègues qui passaient aux toilettes se sont plaint.

Il ne reste plus qu'à voir combien de temps je garderai ma motivation et si je vais bien réussir à avoir enfin une liste de bonnes résolutions modifiée dans un mois et demi.


Allez, je vous laisse, je vais me prendre un bain de glaçons pour calmer la douleur de la dernirèe session.