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lundi, janvier 26, 2009

Tout a une fin...

Fidèles lectrices et lecteurs, vous l'aurez compris, la situation dans mon boulot n'allait plus.

Confiance élimée de part et d'autres, possibilités d'évolution salariale inexistantes (oui, parce que l'évolution des responsabilités je m'en fiche un peu, c'est l'argent qui m'intéresse, pas le boulot :P), bref, ma vie stagnait dans tous les domaines.

Je me demandais comment réussir à quémander une augmentation de salaire dans ces conditions quand soudain un élément m'est venu en tête.

J'avais en effet remarqué une sorte d'étrange ballet depuis quelques temps.
Certaines personnes dont l'exaspération, certes point aussi avancée que la mienne mais toutefois non négligeable, poussait à se lever un beau matin avec une feuille à la main, s'enfermer dans le bureau du DRH, en ressortir un sourire au lèvres contrairement à leur interlocuteur plutôt attristé, y retourner quelques jours après avec toujours les mêmes résultats faciaux.

J'ai donc profité un jour d'une pause clope pour savoir à quoi cela rimait.

"Bein c'est super simple en fait : quand j'en ai réellement marre, je vais poser ma démission pour qu'ils m'augmentent"
"Hein ? Mais si tu poses ta démission c'est que tu veux t'en aller, donc ils n'ont pas de raison de te retenir."
"Rah la la, tu n'as rien compris. Ils savent que s'ils nous remplacent, ça va leur demander du temps. Ils doivent chercher quelqu'un qui a la même qualification, une fois trouvé ils doivent le former, bref, tout ça c'est une perte de temps et donc d'argent. Et il n'est pas dit que la personne qu'ils recrutent demande un salaire plus avantageux pour eux. Bref au final ça leur coûte moins cher de nous augmenter que de nous laisser filer."

J'étais abasourdi par cette découverte. Mais aussi incroyable que cela pouvait me paraitre, quelques autres personnes me confirmèrent la pratique.

Ainsi c'était tout con, et ça se tenait de surcroit !

C'était pile ce qu'il me fallait.

Je décide de mettre mon plan à exécution le jeudi et de frapper à la tête de l'organisation.
Je vais donc voir le PDG en tête à tête dans son bureau, m'assoie en face de lui et lui dit :
"Président, j'ai quelque chose d'important à vous dire !"

Et là j'ai commencé à me sentir mal.
Je l'ai vu lever la tête et me regarder. J'ai eu une grosse boule d'hésitation.
C'est lui qui m'a embauché cinq ans auparavant alors que j'étais en stage, lui qui m'a vu évoluer tout au long de mes premiers mois, stagner le long des quatre ans et demie qui ont suivi, empêché deux fois de me pendre en plein open space.
Comment allait-il prendre la nouvelle ?
Y croirait-il même ?
Si oui, cela risquait de l'affecter, de le blesser même.
Toute cette confiance accumulée qui allait voler en éclats...
Mais tant pis, je devais me lancer.
"Et bien voilà, en fait, comment dire, ce n'est pas facile, mais ce qui se passe c'est que..."
(Je pense que j'avais subtilement éveillé sa curiosité à ce moment précis)
"...je voulais te dire que j'ai eu une proposition et que..."

Pas le temps de poursuivre ma phrase. Son visage s'est illuminé, l'excitation a commencé à danser dans ses yeux, il semblé animé d'une joie immense et s'est écrié :
"C'est vrai ? Mais c'est une excellente nouvelle ça ! Enfin, je veux dire, pour toi quoi, c'est chouette !"

Oulà, non, ce n'est pas ce que je voulais moi.
Zut, en fait il ne doit pas réaliser, la nouvelle a du le bouleverser.
Je décide d'enfoncer le clou, pour que le mensonge soit tellement gros que ça le fasse redescendre sur Terre afin de passer aux choses sérieuses, qu'il me demande ce que me propose la boite factice afin de me proposer plus.

"Mais par contre tu sais, je suis sensé faire trois mois de préavis, mais en fait je souhaiterais réduire à deux mois."
"Oui oui, aucun problème, j'en parle au DRH, tu verras avec lui demain quand tu lui amèneras ta démission sans fautes."

Mon monde s'écroulait, mon subterfuge ne s'était décidément pas passé comme prévu.
Mais sans doute qu'il allait se raviser dans les instants suivants.

Je suis donc sorti de son bureau et ai redescendu les escaliers, entendu juste le bruit détonnant d'un bouchon de champagne qui saute, mais sans y prêter plus d'attention que cela.

Le reste de la journée très calme, je suis parti vite fait sans me retourner, à part un bref instant, juste le temps de remarquer d'étranges lumières de couleurs dans le bureau de la direction ainsi que des ballons flottants à travers des pluies de cotillons, mais sans doute une illusion d'optique provoquée par le stress.

Le nuit difficile, marquée surtout par les versions de ma lettre de démission, que j'ai fini par réduire à un strict minimum :
"J'me casse, tchô !"

Le lendemain matin, tremblant, je me pointe dans le bureau de mon DRH qui sifflotait allègrement.
"Aaaaaaaah, je t'attendais !"

Je lui tends timidement ma feuille, la prend, la lis.
"Tu sais, on a beaucoup discuté avec le président hier soir et on a analysé ta demande. En fait on voudrait te proposer quelque-chose."

Une lueur d'espoir qui s'allume, la chaleur corporelle qui se ravive, peut-être que je m'étais morfondu pour rien, ils n'allaient pas me laisser partir ainsi, avec le temps j'avais bien du leur devenir indispensable !

Ce mythe sacré qu'est la contre proposition allait enfin m'être dévoilé, j'étais à la fois effrayé et impatient, un peu comme, d'après ce que m'ont raconté ce qui l'on vécu, ce que l'on ressent au moment d'un dépucelage.

"Tu nous as dit que tu voulais partir au bout de deux mois, en fait nous ça nous arrangerait que tu partes au bout d'un mois et demie"

Hein, mais non, je ne veux pas partir moi, je n'ai rien pour me rattraper encore, hors de question que j'accepte !
"Ok, ça me va"

Ah non, ce n'est pas ça que je voulais dire. Zut, trop tard.

Je file aux toilettes vomir deux fois de suite.
Avant le troisième haut le coeur, j'ai le bon réflexe de relever la lunette.

Je reste sans vie à mon poste pour le reste de la journée, les gens me jetant des petits regards en passant près de moi.

Ca y est, le bruit commençait à se répandre.
Il fallait que je mente sur la suite, que je dise que je voulais garder ça confidentiel.

Mais surtout, il allait falloir que je trouve quelque-chose à faire une fois mon préavis fini.

J'ignorais encore à l'époque que cette décision aller présenter plus de changements dans ma vie que ceux auxquels je m'attendais...